Le pilote automatique, cet équipier souvent indispensable

En solitaire ou en équipage réduit, lors des longues navigations, comment garder le cap des heures durant ? Peut-on lâcher la barre et vaquer à d’autres occupations ? Tant de questions que les gens se posent souvent.

Si l’existence du pilote automatique dans la navigation maritime est une évidence pour tous les navigateurs solitaires, elle reste bien méconnue du plus grand nombre. Le public des grandes courses en vient à croire que nos skippers sont attachés à leur barre, telle l’image populaire du squelette de pirate. Il existe toutefois plusieurs procédés, pour lacher la barre, dont les régulateurs d’allure et les pilotes électriques.

Les régulateurs d’allure

En mai 1933, Marin Marie Paul Emmanuel Durand Couppel de Saint-Front, écrivain et peintre plus connu sous le pseudonyme Marin-Marie, effectue la traversée de l’Atlantique en solitaire sur un cotre norvégien, le Winibelle II. C’est le deuxième français, après Alain Gerbault, à réaliser cette performance.

Ne pouvant être à la barre en permanence, il fait le choix de la technique des trinquettes jumelles, dont les écoutes étaient reliées à la barre par un système de poulies et de renvois, inspirée du système Braine. Le bateau ainsi toilé est « tiré » par l’avant et se trouve dans une position d’équilibre stable, gardant aisément sa route.

Trois ans plus tard, Marin-Marie utilisa le gouvernail automatique à girouette, créé en 1935 par le Suédois Samplan pilote automatique Berge, en vue d’accomplir la première traversée de l’Atlantique en solitaire, à bord d’un yacht à moteur : le gouvernail principal de sa pinasse diesel Arielle était bloqué de façon à maintenir un cap approximatif. Ce système, accompagné d’un pilote électrique pour le petit temps, permit à Marin-Marie de devenir le premier navigateur solitaire à traverser l’Atlantique à moteur.

Cette technique de régulateur a été largement popularisée, dans les années 1960, par les exploits de navigateurs comme Bernard Moitessier et Éric Tabarly. Le procédé utilise la force du vent, et éventuellement des courants marins, permettant au bateau de rester sur sa route, en gardant un cap constant par rapport au vent, parfois mieux que le ferait un équipier.

En 1983, Le navigateur Yves Gélinas, à bord de Jean-du-Sud, un sloop de neuf mètres de longueur et 4 tonnes de déplace-ment, et grâce à un régulateur d’allure de sa conception, mais sur le même principe que le gouvernail automatique à girouette, parcourut 28 000 nautiques, dans des conditions parfois extrêmes, mais aussi efficace par petits temps, « sans barrer plus d’une heure », selon ses propres mots.

De nombreuses variantes existent, pouvant être élaborées spécialement pour le bateau et montées directement, ou achetées dans le commerce. Les points communs sont que ces régulateurs d’allure sont indépendants de toute source d’énergie, sont robustes et simples (donc aisément réparables), fonctionnent silencieusement en prenant en compte les flux naturels, sont très puissants, et qu’ils apportent un réglage fin et constant malgré les variations des courants.

Les pilotes électriques

Hermann (Franz Joseph Hubertus Maria) Anschütz-Kaempfe, inventeur et industriel allemand, est le créateur (brevetpilote automatique DRP n° 182855 du 27 mars 1904) du compas gyroscopique, insensible aux anomalies magnétiques. Par la suite, Elmer Ambrose Sperry, industriel américain, mis en place les premiers pilotes automatiques par une application dérivée du compas gyroscopique.

En effet, en interfaçant le gyrocompas avec la commande du servo-moteur de gouvernail, il était alors assez facile de conserver automatiquement un cap. Le pilotage automatique apparu ainsi sur les grands navires dès le début des années 1920. Le premier navire à être équipé d’un pilote automatique Sperry fut un pétrolier de la Standard Oil, le J.A.Moffett. Par ailleurs, les torpilles « automobiles », inventées par l’ingénieur austro-hongrois Luppis et l’anglais Whitehead étaient équipées dès le début du XXe siècle d’un gyroscope conservateur de cap et de profondeur, agissant sur les axes de tangage et de lacet.

En 1936, un inventeur français, M. Casel, se présenta inopinément à New-York, peu avant le départ de Marin-Marie pour sa traversée de l’Atlantique avec Arielle, et lui proposa gratuitement, afin de parer à l’inopérance de son gouvernail automatique à girouette par petit temps, un pilote électrique, précurseur des actuels pilotes automatiques électriques pour les petits bateaux.

Cet appareil utilisait cependant des cellules photoélectriques pour détecter les écarts de route sur la rose d’un compas magnétique équipé de miroirs réflecteurs. Le signal était traité par des relais et gouvernait un moteur électrique agissant sur les drosses de barre, et un système de lampes témoins avertissait le skipper des déviations de route et de l’action du pilote automatique.

De manière générale, un pilote automatique électrique est un système permettant de conserver soit un cap, une route fond ou encore une allure au vent pour les voiliers, en recevant les informations par réglage manuel ou par le biais d’une interface informatique. Il remplit donc trois fonctions qui sont de mesurer, d’agir et de communiquer.

Par le biais du système asservi, le pilote intègre une valeur consigne, calcule l’erreur entre le cap mesuré et la consigne, et agit sur la barre du bateau afin de maintenir la consigne. Un pilote électrique est donc directement dépendant, en plus de ses pièces mécaniques, de l’électricité et de son informatique embarquée.

Nous devons donc à Marin-Marie, et à tous ces inventeurs, concepteurs, industriels et ingénieurs, l’existence des pilotes automatiques, véritables équipiers supplémentaires et souvent indispensables à nos longues traversées.

Frédéric Daeschler, CAPAJUT (www.capajut.com)

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