Les voileux sont des marins d’eau douce

On considère souvent les voileux comme des marins chevronnés, maitrisant les éléments et leur bateau. Cette image serait elle galvaudée ?

Les plaisanciers à la voile, contrairement aux propriétaires de bateaux à moteur,  ont une image de vrais marins, de passionnés de la haute mer. Ces derniers sont souvent vus comme des techniciens maitrisant leur voilier, des météorologues sachant anticiper les vents et l’état de la mer. Il est vrai que le monde de la voile se mélange difficilement avec le monde du bateau à moteur, des hors bord notamment. Mais qu’en est-il réellement ? Les voileux ne seraient-ils pas des marins d’eau douce en fait?

La voile, l’art de devenir Marin

La voile représente environ 1/3 de la flotte de bateaux, en France. Ce loisir reste encore confidentiel, comparé à certains pays comme la Nouvelle Zélande ou les pays d’Europe du Nord. L’histoire de la plaisance populaire est née dans les années 50, avec de nombreux chantiers français comme Quéré, Yachting France ou encore Edel. Des aventuriers comme Bernard Moitessier et de skippers comme Eric Tabarly ont donné leurs lettres de noblesse à ce loisir, devenu un sport. La voile est devenue un monde d’aventure, un apprentissage de la vie.

Certains plaisanciers sont devenus des marins. Certains d’entre eux, passionnés, ont plus de miles à leurs actifs que certains pécheurs côtiers. Vous croisez régulièrement, sur les pontons, des plaisanciers qui vont naviguer dans le Golfe de Gascogne, pêcher le thon entre copains, au départ de Douarnenez. D’autres sortent, par tous les temps, pour régater entre 3 bouées, courir sur des courses semi-hauturière, se préparer pour le large, comme la Transquadra. Ces plaisanciers acquièrent un véritable savoir faire, deviennent des experts dans leur domaine. Nombre d’entre eux côtoient des professionnels de la course au large, le temps d’une rencontre, d’une régate ou d’un verre au bar du port.

Des discours souvent flatteurs

Au-delà de ces passionnés d’aventure, considérant sans doute leur vie professionnelle comme un moyen nécessaire pour assouvir leur passion de la mer et des bateaux, la grande majorité des plaisanciers navigue peu. La plus grande partie des propriétaires de bateaux naviguent quelques semaines par an, voire quelques jours. Ces derniers ont, de plus, bien souvent le même plan d’eau comme terrain de jeux, pendant de nombreuses années.

Ces voileux, dont je fais partie, n’ont de connaissances, que un ou deux stages, étant jeunes, puis leur propre expérience. Quand on se balade sur les forums ou les réseaux sociaux, on croise de nombreux « experts », de nombreux « sachant » qui ne maitrisent, dans les faits, que ce qu’ils ont appris dans des livres. Je ne parle même pas de votre interlocuteur qui édite ce blog, avec tant de prétention et de narcissisme, sur sa passion avec sa petite expérience de « plaisancier du dimanche ». Ce type de plaisanciers navigue sans doute moins que de nombreux Polonais, sur leurs lacs, que de Savoyards sur le lac Léman ou le lac d’Annecy. Qui sont alors les marins d’eau douce ?

Mais l’aventure est ou ?

La question qui reste alors est l’intérêt d’être ou ne pas être un marin d’eau douce. Et si, en fait, on s’en fichait ?

Pour certains plaisanciers, naviguant en petit voilier, l’aventure, et le bonheur, est tout simplement, à quelques miles de leur port d’attache, à quelques kilomètres de leur garage. Leur voilier leur permet de découvrir nos côtes au plus près, de visiter chaque crique, chaque baie, des côtes françaises. Non, ils ne navigueront pas à l’autre bout du monde, non ils ne sortiront pas si le vent se lève de trop. Mais ils auront découvert bien plus que nombre de plaisanciers faisant un aller-retour vers le corse tous les ans.

Un équipier de régate, ayant pour seule expérience d’embarquer tous les week-ends d’hiver, à La trinité Sur Mer, sur le bateau d’un propriétaire parisien, sera sans doute plus expérimenté qu’un propriétaire de bateau de 12 mètres sortant une semaine en mai et une autre en été. L’aventure est là ou nous le décidons.

Etre plaisancier, ce n’est pas être un expert, ce n’est pas tout connaître de l’entretien de son bateau, ni même tout maitriser, c’est se faire plaisir, modestement.

Alors, marin d’eaux douces?

Etre plaisancier, c’est être ouvert, rencontrer des gens de tous horizons, de situations sociales différentes. Sur un bateau, ou un ponton, il n’y a plus ni cadre, ni ouvrier ni paysan. Toutes les cartes sont rabattues. Nous protons tous notre polo délavé, notre pantalon rouge breton Armor Lux pour les plus ancien ou le bermuda Aigle pour les plus jeunes.

Etre plaisancier, c’est aimer la mer, en tant que nature. C’est aimer sa faune, sa flore. C’est aimer ne rien maitriser, être dépendant d’elle.

Si vous êtes tout cela, c’est largement suffisant. Je ne sais pas si êtes un marin d’eau douce, mais vous êtes un plaisancier passionné. Alors restons tous modestes mais partagez, échangez, vous apporterez beaucoup aux autres.

Nul besoin de décrocher la lune, il suffit de savoir qu’elle est là.

16 réflexions au sujet de “Les voileux sont des marins d’eau douce”

  1. « Sur un bateau, ou un ponton, il n’y a plus ni cadre, ni ouvrier ni paysan. Toutes les cartes sont rabattues. Nous protons tous notre polo délavé, notre pantalon rouge breton Armor Lux pour les plus ancien ou le bermuda Aigle pour les plus jeunes. »
    La parfaite tenue du yachman! Snobisme assuré et assumé souvent.
    Des fringues de luxe réservées à ceux qui peuvent mettre 300 à 600€ pour l’uniforme.
    La majorité des petits plaisanciers, essorés par leur place de port, les coûts exorbitant des manutentions, des prix prohibitif du moindre matériel, surtout s’il est obligatoire, ne se sape pas en pingouin de ponton, en Baulois. Il n’en a ni l’envie, ni les moyens.
    D’eau douce ou non le plaisancier propriétaire moyen est presque toujours compétent , sérieux et serviable.

  2. J’aime bien l’humour et la dérision, j’aime bien cette analyse et cette vision de l’aventure…
    Mais cette façon de toujours vouloir diviser la plaisance (et les plaisanciers) en voileux (les bons, les gentils, les vrais marins) et moteurs (les mauvais, les méchants, pouahhhhh les sales pollueurs, les inconscients, les marins d’opérette, etc) m’agace profondément.
    La secte des voileux a toujours raison. D’ailleurs, c’est bien connu, les accidents et les interventions de la SNSM sont toujours de la responsabilité des bateaux à moteur…
    Pierre (qui navigue 4 mois par an en mers Adriatique, Ionienne, Egée (et Atlantique le reste du temps) sur Jaba V, bateau à moteur in board diesel -l’horreur!- de 7 mètres).

  3. Moitessier un exemple ! Faites moi rire ,relisez la longue route et redécouvrez tout ce que ce marin balance dans la mer impunément,pétrole ,alcool,piles ….à gerber !

    • Hola Manu… Je pense que tu vas loin. Si la conscience écologique était sans doute différente, dans ces années là, il me semble difficile de rejeter ce qu’à fait ce grand marin.

    • Tiens Tiens! une personne qui a lu correctement le livre de cette longue route! Effectivement une partie de ses batteries et de codage gisent au fond de l’Atlantique. Mais bon ! ça c’était avant!

  4. Bonjour, je suis passé à la voile en 2005 après avoir quitté l’aviation de loisir j’avais obtenu mon Brevet de pilote, et la qualif hydravion,cependant j’ai préféré quitter ce milieu pour plusieurs raisons et la plus importante ,ma vision qui diminuait et mon âge qui augmentait. La voile m’est apparue plus complète et ce n’est pas pour rien. Tous les termes de l’aviation d’ailleurs sont empruntés à la marine et il y en a plus à connaître .Ce que m’a apporté la voile c’est d’abord un plaisir physique et mental,de calme et de liberté.

  5. Et n’oubliez pas cux qui construise et n’oubliez pas ceux qui construisent leurs petits bateaux (transportables) dans leur garage. Ils maîtrisent souvent les techniques de construction navale et naviguent sur tous les plans d’eaux intérieures et les cotes

  6. Bonjour Ronan,
    Bonnes observations. Ce qui est beau c’est le partage du plaisir, sur un bateau Voile ou Moteur. Nous savons toutes et tous que les plus belles navigations se font sur les pontons et autour d’un verre dans lequel nous pouvons observer notre avenir proche ou lointain. Vivement les risées dans nos voiles!!!!

  7. Bonjour à tous et merci Ronan, pour cet intéressant article qui suscite beaucoup de commentaires.
    J’apprécie particulièrement ta proposition de faire preuve de compréhension et tolérance. Accepter que nous ayons tous des besoins, des attentes et… des moyens différents. Evitons les idées préconcues ou à l’emporte-pièce contre ceux qui sont/font différents. Les petits ou les gros bateaux, les bien « sapés » ou les « jeans usés », les voileux occasionels ou les assidus, ceux d’eau salée ou douce, voire même à moteur ou à voile. En résumé, LA VOILE C’EST LA LIBERTÉ à condition de respecter les autres.
    Autre commentaire: je suis français, mais vis en Pologne et ai mon bateau sur un lac. Naviguer sur un lac n’est pas non plus de tout repos, pas de marée, peu de vagues, mais des rafales incessantes qui obligent à une constante vigilance. Dernier exemple, hier, le vent passait de 6 à 27 noeuds en quelques secondes. Essayez de prendre 1 ou 2 ris dans l’interval 😉 Celà dit je rêve de pouvoir prochainement faire gouter le sel à mon bateau…
    Encore merci Ronan, pour tous ces articles que je lis avec toujours beaucoup d’intérêt
    Eric

    • Bonjour Eric,
      Merci pour ton retour positif. De mon côté, tes navigations me font rêver. C’est une de mes ambitions, un jour, de naviguer sur les lacs polonais. J’avais vu des vidéos de régates à bord de voiliers polonais nommés Skippies, de mémoire. Et effectivement, cela envoyait du lourd…

  8. Article sympathique et plein d’humour, mais … J’avoue certain agacement confronté au péjoratif condescendant systématiquement associé aux marins d’eau douce.
    J’ai appris à naviguer à la voile sur les lacs suisses et depuis plus de 50 ans je sillonne mers et lacs.
    Et bien croyez-moi, naviguer sur des lacs de montagne avec des conditions météo qui changent chaque heures et des sautes de vent de 30 noeuds en moins de 5min sans oublier une côte toujours sous le vent, n’a rien à voir avec de petites nav. peper.
    Et puis, les marins des alpes, on ramené la coupe de l’América à la maison, nous !
    Alors, marins d’eau salée : Gardez votre dédain et soyez rassuré : On sait naviguer.

  9. Bonjour,
    Je déterre des vieux postes, car tes articles sont toujours intéressants à lire.
    Je ne partage pas toujours tout ce que tu écris mais là n’est pas le plus important.
    Je voulais ajouter deux nuances:
    La voile n’est pas un loisir devenu un sport, mais un outils de travail avant tout et existe en tant que sport depuis bien plus longtemps que la plus part des sports. La coupe de l’America est la plus vieille compétition au monde tout sport confondu. Bon aujourd’hui, je trouve qu’on est loin de l’esprit du sport dans cette compétition mais passons.

    Ensuite, je pense qu’il y a confusion entre marin et voileux, comme souvent de la part des gens qui ont peu ou pas d’expérience. J’ai enseigné aux Glénans et j’ai constaté les fausses informations qui circulent à gogo par naiveté et ignorance. J’ai déjà entendu que Les Glénans avec inventé le modèle météo Arome…. 😀 Les Glénans est une excellente école de croisière mais ce ne sont pas des météorologues…

    A mon sens, on peut être un très bon marin et ne pas faire de voile ou être mauvais en voile (le Vendée Globe est un très bon exemple).

    Et enfin je voulais dire que les marins d’eau douce comme tu dis sont souvent des biens meilleurs voileux que les marins de la mer ou de l’océan. La vision de la voile liée uniquement à la mer est très franco française (comme souvent en france, les gens découvrent une activité et pense que cela fonctionne partout de la même manière ailleurs. De la à dire que c’est la raison pour laquelle les Français sont vu comme des arrogants partout dans le monde, enfin je dis Français mais je pense plutôt parisien dans ma tête, n’en plaise à ceux qui le sont :), j’ai eu la chance de pouvoir l’observé partout dans le monde lors de mes voyages… 😀 Le parisien aurait beaucoup à gagner s’il était plus humble et à l’écoute.
    Bref, il suffit de regarder dans les autres pays d’europe où la voile se pratique presque plus sur plan d’eau intérieur (lac et rivière) que sur mer ou océan.
    Pour avoir appris à naviguer sur lac pendant mes 10 premières années, je peux assurer que les marins d’eau douces ont une finesse de barre supérieur, un sens de l’écoute des variation du vent largement supérieur aux autres (on le voit bien en régate sur les bascules dans le vent léger). Naviguer sur lac demande beaucoup de finesse et de délicatesse, voire même de la douceur. Bon après dans la baston, la houle et le clapot, y a pas photos un marin de la mer est largement meilleur :D.

    Moi perso, j’adorerais que nos eaux intérieurs soient beaucoup plus peuplés de dériveur comme en angleterre, que nous soyons plus marins d’eau douce à naviguer tout les week-end ou les soirs en été, plutôt que posséder un gros voilier habitable, apprendre à être un « bon » marin, mais ne sortir que 8 jours par ans.

    L’art de la régate bien que vraiment différent de la plaisance, n’en semble pas moins incompatible.
    Et quel plaisir de jouer à ce jeu extraordinaire de la régate entre 4 bouées. Comprendre les courants, les variations, améliorer sa technique, sa tactique et sa stratégie, une partie d’échec grandeur nature avec ne plus des adversaires, des facteurs naturels non prévisibles ou à peine.

    Bref vivement, le retour des marins d’eau douce, que l’on puisse s’amuser en club très souvent, avec les potes, la famille, les femmes, les enfants, les hommes, sur des dériveurs fun , qui permettent au passage de raffermir les abdos, gagner un tonicité, en dynamisme, en souplesse et j’en passe et cela n’empêche pas l’apéro ou le café chaud après les sessions en refaisant « le match »….

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