Les plaisanciers sont-ils des nantis?

En voilà une question qui fâche : les plaisanciers sont-ils des nantis ? Entre l’image du propriétaire de voilier appartenant au yacht-club du port et celle du voileux, sans le sans argent, qui tente de naviguer sur un bateau qui prend l’eau de partout, la réalité est bien évidemment moins caricaturale. Mais pourtant, l’image du plaisancier, qui a assez d’argent pour se payer un bateau, à la vie dure. Alors qu’en est-il réellement ?

Le nautisme est un loisir qui coûte cher

Il faut reconnaître que le nautisme est un loisir qui n’est pas accessible à tous les portefeuilles. Acheter un bateau, ou même louer son voilier pour une semaine de croisière, est une dépense à quatre chiffres, minimum.

Par exemple, la location d’un voilier de 9 mètres, en période estivale, revient à plus de 1500 euros, sur les côtes françaises. A ce prix là, vous pouvez bénéficier de plusieurs semaines en camping, en tente, avec restos tous les midis. Vous pouvez même partir en vacance dans un hôtel tous-compris, dans certains pays européens.

Pour ceux d’entre-nous qui sommes propriétaires d’un bateau, c’est pire. Entre le coût d’achat du bateau, et le coût d’entretien annuel, la facture monte très vite ( assurances, place de port, hivernage,…).

Pourtant, cela n’arrête pas nombre d’acquéreurs de bateaux neufs ou d’occasion. Il suffit de se balader sur les pontons de Bretagne, de Méditerranée ou de Charente pour toujours faire le même constat :

Les bateaux sont de plus en plus grands

Il y a quelques années, un voilier de 9 mètres était une grande unité. Aujourd’hui, cela reste un petit bateau comparé aux nouvelles constructions des chantiers français et européens. Et les catalogues de ces mêmes chantiers attestent de ce constat.

Nous parlons donc de budget d’achat de bateau à 5 chiffres. Un Oceanis 30.1, de chez Bénéteau, équipé et près à naviguer coûte environ 90.000 euros. Un Jeanneau Sun Odyssey 349, de son côté coûtera, lui, plus de 150.000 euros. Et nous parlons des plus petits voiliers de la gamme. A ce prix, vous pouvez acheter un appartement ou une maison dans certaines régions. Alors, oui, effectivement, la nautisme est loisir qui coûte cher.

Un bateau est-il plus cher qu’un camping-car ?

Ceci étant dit, les plaisanciers sont-ils des nantis par rapport à d’autres passionnés et des personnes ayant mis leur argent ailleurs. J’aime bien comparer le monde du nautisme avec celui du cheval. En effet, il s’agit de deux loisirs qui bouffent du temps et de l’argent. On dit souvent qu’une personne qui est passionné de cheval ne sera jamais riche, tout comme pour les passionnés de voile. En effet, dans ces domaines, il y a deux mondes. Vous avez, d’un côté, des passionnés sans le sou qui dépensent tout ce qu’ils gagnent dans leur passion. De l’autre, des personnes très aisées qui investissement dans de très beaux chevaux ou de très gros bateaux. Ces deux mondes se croisent mais ne se regardent que peu.

Mais le loisirs qui ressemble le plus à la plaisance est le camping-car. Les propriétaires de camping-car achètent celui-ci pour découvrir le monde, près de chez-eux ou plus loin. Ils investissent dans ce qui devient leur résidence secondaire mobile. Or, ces camping-caristes ont-ils une image de nanti ? Globalement, non. Lorsque qu’on pense camping-car, on pense plutôt à un couple en retraite, qui a investit toute la prime de départ de l’entreprise dans le caming-car, et terminé de payer sa maison. Or, combien coûte un camping-car ? Les moins chers sont à 50.000 euros, l’équivalent d’un voilier transportable neuf. Les plus chères dépassent les 200.000 euros. Et je ne vous parle pas des vans, vous savez, ces camions aménager. Loin de l’image du jeune couple baba-cool, ces camions valent plus de 70.000 euros, neuf. Ces chiffres font donc relativiser l’investissement dans un bateau.

La voile populaire, une histoire de passion

Alors oui, un bateau est clairement une grosse dépense. Il s’agit même d’un trou sans fond. La moindre petite réparation coûte une fortune. Pour autant, la voile est elle un loisir de nantis ? Et bien ce serait vite oublier tous ces plaisanciers qui naviguent sur des voiliers de plus de trente ans. Ce serait vite oublier tous ces plaisanciers qui chérissent leur petit voilier transportable, ou pas, de moins de 7 mètres. Ce serait vite oublier tous ces plaisanciers, passionnés par la mer et leur bateau, qui comptent le moindre euro qu’ils vont investir dans leur moteur, leur gréement. Tous ces plaisanciers qui vont mettre les mains de le cambouis tous les week-end, car ils n’ont pas les moyens de faire appel à un professionnel, ou tout simplement par passion.

Il suffit de se promener, le long du littoral français pour observer de nombreux bateaux, sur des mouillages à pas trop chères, qui restent dans un état admirable, par rapport à certaines unités récentes, qui prennent la verdure sur des pontons. Mais je n’oublie pas tous ces jeunes aventuriers, un peu fous, qui partent pour rejoindre le bout du monde, à bord de petits bateaux.

Alors oui, admettons que posséder un voilier n’est pas donné à tout le monde. Affirmons même que nous, propriétaires de voiliers, avons la chance de pouvoir mettre de l’argent de côté, après avoir payer nos factures, pour entretenir notre bateau. Pour autant, le monde de la voile et de la plaisance n’est pas plus élitiste que d’autres mondes. Alors, oui, les plaisanciers ont de la chance, mais ce ne sont pas des nantis.

17 réflexions au sujet de “Les plaisanciers sont-ils des nantis?”

  1. Et n’oublions pas que dans le domaine de l’occasion il est possible d’acheter un bateau pour le prix d’une voiture.
    Ce qui rend ce loisir accessible au plus grand nombre.

  2. Bonjour, bel article. Ce n’est pas l’argent qui fait le marin,c’est vrai. Le mot passion vient de pâtir qui signifie souffrir. On souffre pour ce, ceux que l’on aime. Donc aimer son bateau c’est comme aimer un être cher dans l’élément admirable que nous a donné le créateur: La Mer.

  3. Bonjour Ronan,
    J’aime bien ta comparaison avec les campings car qui se vendent comme des petits pains depuis plusieurs années. J’ai un petit voilier 7/8m que j’ai acheté 3000 (40ans), j’en suis à peut-être 3000 de frais, bien loin d’un camping car même d’occasion que je n’ai pas. Par contre, que d’heures passées à travailler dessus.

  4. des bateaux d’occasion, des voiliers pour moins de 5000€ et en bon état (et à 1000€ modèles assez anciens (30 ans <8M ne pouvant plus naviguer sur les océans, mais naviguent dans des baies…ou lacs…) – mais encore faut il avoir une place port ou au corps-mort à l'année…sinon sur remorques… sinon ces bateaux partent à la déconstruction

  5. Oui, le bateau est accessible, mais il faut rentrer, raisonnable quant à la taille, parce que ancien ou récent, le budget va avec , si l’on on veut avoir un bateau en ordre…
    Il faut compter,
    -le port.
    – l’assurance
    – le carénage annuel.
    -l’entretien moteur annuel.
    -les provisions pour charges à venir( gréement dormant, courant, moteur… coude échappement, détartrage de l’echangeur) mise à jour de la sécurité, gilet hydrostatique, feux à main,balise, survie, pour un armement hauturier….
    Tout cela a un coût, pour avoir un bateau en ordre , et pas une épave flottante.
    Je note tous les frais effectués sur mon oceanis 320, acheté en 2015 à 30000 €. actuellement 35000 de frais donc coût 65000, sur 8 ans 8000€/ ans
    Assurance tous risques 460 €/ an
    Port 2500 € par ans.
    Sans compter la valeur d’achat,en considérant que c’est sa valeur actuelle ( en rêve) 35000:8= 8250€ (arrondi)
    8250+2500+ 460=11100€
    On divise par 12 pour une année sur 8 ans plus de 900€ / mois.
    Mon bateau est comme neuf , armé hauturier, genacker sur emmagasineur, survie neuve….c’est la raison pour laquelle je navigue sur un 32 pieds,au top, plutôt que sur un 40 pieds perfectible….
    Après j’ai des collègues qui font petits…. qui changent quant ça casse! C’est une autre façon d’appréhender la mer…..
    Comme un camping car ,ça reste un loisir très cher….
    Un bateau neuf jusqu’à 10 ans , on paie la LOA, et entretien minime.
    Après le bateau vieillissant, les frais augmentent….et n’ envisageons pas la panne moteur, ou il faut le remplacer, pour un 9/10 m un 3ym20 de 21cv monté coûte 12000€( c’est ce qu’à payé mon ami pour son gibsea 30 de 40 ans !!!
    Donc oui peut être pas des nantis, mais pas à la portée de toutes les bourses.( on parle de bateaux de 9/10 )
    Cordialement.

  6. J’ai habiter 3,5 ans sur mon ancien 34 pieds a l’ancre en Australie. Donc je payais meme pas 700 euros l’année juste pour acceder a un yacht club et la registration du bateau.jamais été dans une marina.
    Je viens d’acheter un 52 pieds. Je vis toujours a bord. Dans une marina. C’est cher
    C’est un budget un bateau mais si c’est ta maison en même temps, ton loisir, ta maison de vacances et ton moyen de déplacement en vacances, cela devient bien plus abordable. Il faut essayer de tout apprendre en maintenance aussi pour limiter les coûts.
    Il faut avoir un sacre budget pour avoir une maison et aussi un gros voilier et ne pas vivre dessus
    Bon vent

  7. Je partage totalement ton point de vue. La comparaison, en termes de budget, avec le camping-car, est tout à fait sensée.
    Ma petite famille est propriétaire d’un 30 pieds de 1998. Et le plus cher, c’est bien l’entretien. Cela dit j’ai été copropriétaire, avec sept copains et copines, d’un Romanée pendant 28 ans. Et ça a bien marché. On a juste arrêté parce que certains d’entre nous se sentaient un peu fatigués…
    Je conclus en rappelant que je suis issu d’une génération qui s’est passionnée pour la voile grâce aux colos et aux écoles de voile, telles que les Glénans, dans les années 70 et 80. Et en ce temps, il y avait là une forte démarche d’éducation populaire, la voile étant un cadre d’apprentissage du « vivre ensemble ».
    Et merci à toi, Ronan, pour la création et l’animation de « Mers et bateaux », ça fait du bien et c’est utile!

  8. Bonjour,

    Je vais finir par être banni de ton site.

    Je m’excuse par avance pour mon commentaire qui ne va pas faire plaisir. Mais l’idée même de faire un article pour savoir si on fait partie des nantis ou non en tant que propriétaire de voilier sois même est pour moi étrange. On ne put pas être juge et partis. A l’échelle mondiale, la question ne se pose pas, la réponse est oui évidemment. 50% de la population mondial gagne moins de 250 euros par mois, et 90% moins de 3100 euros/mois.
    A l’échelle nationale ce pourrait être plus modéré et encore que.
    Mais ce n’est pas tant un problème lié à la voile qu’au sport mécanique en général. Ce n’est pas pour rien que la course à pied et la randonnée explosent en terme de pratiquants, ou encore kite et wing pour rester dans le nautisme. Ce n’est pas qu’une question de simplicité, mais aussi de moyen. Déjà, je connais peu de personne qui spont près à mettre 3000 euros dans du matos de wing alors 40 000 dans un voilier… (Bon après il serait intéressant de compter combien les gens dépensent en alcool ou cigarette par exemple, mais là on touche un autre problème de société et d’autre notion sociologique)

    A mon sens, tout ceci n’est seulement que le reflet de la société. Plus le monde se contracte (lié au pétrole of course) plus la pyramide de la répartition du pouvoir d’achat se transforme en T inversé, avec une tige verticale qui s’allonge. C’est d’ailleurs pour ça que l’on voit des bateaux de plus en plus grands. L’augmentation de la taille compense la baisse du nombre d’unité avec des marges énormes (comme l’ensemble du secteur du luxe d’ailleurs). Les classes moyennes se rapprochent de la base et l’élite s’envolent (même si de plus en plus nombreuses, ce sont les « fils et filles de » qui profitent des héritages majoritairement. Il suffit de voir le salaire d’un ingénieur aujourd’hui par rapport à celui des années 80 (en nombre de smic) qui variait entre 5 et 10, contre 2 à 4 aujourd’hui.

    Donc nantis, je ne sais pas, mais privilégié oui même en France, surtout à l’époque actuelle et encore plus dans un future proche.
    On peut d’ailleurs se poser la question des bateaux acheter dans les années 80 et 90. Est-ce que les gens achetaient des bateaux de 40 ans d’âge ? J’en doute.
    Difficile voir impossible aujourd’hui à un jeune d’acheter un voilier moderne. Il doit se contenter d’un voilier aux performances des années 80 donc loin, très loin des supports que l’on peut voire dans la course au large, donc il y a un décalage dans l’identification avec les « stars », contrairement aux années 60 à 90 où les bateaux de croisières n’étaient pas si éloignés des bateaux de courses.

    Donc c’est là qu’on retrouve effectivement le rapprochement avec le monde du camping-car. Des budgets élevés, une moyenne d’âge des propriétaires autour des 60 ans. J’ai pour ma part pu exercé le métier de moniteur de voile (que des jeunes quasiment) et celui d’agent portuaire à Camaret pour une saison d’été où je n’ai vu que des personnes à tête blanche.

    Donc finalement, il y a d’un coté ceux qui peuvent s’acheter des bateaux de type camping-car des mers, comme je l’ai appelles, des maisons flottantes en somme, et de l’autre des bateaux performant avec des prix à 6 chiffres, par ex un django 770 coute plus de 110 000 euros). Combien coutait un bateau performant de 7,7m en 1980 ?
    On pourrait même comparer le prix d’un muscadet neuf en 80 (par rapport au smic par exemple) avec un Django 6.70 et pour être plus cohérent on devrait comparer au prix d’un pogo3 ou d’un maxi. Si quelqu’un connait le prix neuf du muscadet à l’époque je suis preneur.
    Tout ça pour dire que le pouvoir d’achat ne fait que baisser depuis les années 2000 et surtout depuis 2008 (pic du pétrole conventionnel).

    Donc dans ce contexte possédé des jouets d’une telle valeur nous place directement dans la case des nantis.

    Personnellement passionné de dériveur, je souhaiterais acheter un rs aero qui coute 13000 euros neuf, mais je ne peux m’empêcher de culpabiliser de mettre autant d’argent dans un jouet de plage…

    Donc la question de l’article me semble légitime, mais je trouve la conclusion un peu trop tranché et pas très humble, honnête ni objective. Pour être honnête, j’ai même plus le sentiment que cet article sert à rassurer et déculpabiliser les propriétaires de bateaux dans un contexte où il devient de plus en plus difficile d’avoir des privilèges tellement le reste de la population souffre.

    Mais j’ai envie de dire tant mieux pour les propriétaires si ils en sont là aujourd’hui. Après je ne me fais aucune illusion sur l’avenir de la voile dont le virage a été déjà bien entamé depuis 20 ans. Il suffit de regarder l’ensemble des ports qui ont de plus en plus de place, sauf les lieux privilégiés par les personnes les plus privilégiés (bretagne sud, et méditéranée notamment).

    Il est assez facile de voir qui pratique la voile dans le monde, peu de portugais ou d’espagnol, peu de croate et de roumain, je ne parle pas de l’Afrique ou l’Amérique du sud où c’est encore pire.

    Après il est évidemment possible d’acheter un bateau et de le refaire complètement soi même ce qui minimise le coûts d’achat, notamment avec des plans de David Reard par ex, ou même un vieux 7-8m des années 80 mais en terme de sensation de glisse on est loin d’un django mais au moins on est sur l’eau. Ca dépend des besoins de chacun.

    Je pense que la question n’est pas, « Les plaisanciers sont-ils des nantis? » mais « Est-ce grave d’être un nantis? », ou « Comment gérer sa culpabilité d’avoir des privilèges? ».

    A méditer.

    Merci de m’avoir lu, j’essaie d’être le plus neutre possible même si comme pour toi, c’est quasiment impossible, notre raisonnement est forcément biaisé quelque part.

    Ronan

  9. J’ai acheté un Muscadet quillard neuf en 70; il m’a coûté le prix de ma voiture neuve la moins chère du marché quelques mois après.
    Aujourd’hui le Muscadet de chez Brava coûte 54 k€ et la voiture la moins chère doit être à 10-15 k€.
    J’ai constaté que mon Muscadet navigue toujours 53 ans après. Je suppose qu’il a dû subir un refit important.
    Un directeur d’une grosse société de construction de bateaux indiquait tout récemment qu’en 4 ans les bateaux avaient augmenté de 40%.

    Il y a un gros biais dans le raisonnement effectivement. Un objet ne peut à lui seul être un signe de richesse: on peut choisir d’acheter une maison ou une Ferrari ou un bateau, c’est un choix mais ce choix n’implique pas une richesse précise.
    L’INSE publie des données et définit le seuil de richesse en fonction des revenus disponibles et d’autres calculs pour l’héritage et le capital.
    Après la seule question qui vaut c’est celle des écarts socialement admissibles par telle ou telle société. Et là chacun à son avis et on rentre dans le domaine de l’idéologie (sentiment plus que raison) et des choix politiques.

  10. Petit complément:
    en 70 le nouveau smic remplace le smig et vaut 3.68 F/h
    en 2023 selon l’INSEE ces 3.68F valent à parité de pouvoir d’achat 4.61€

    donc en 70 un Muscadet valait 5435 h de travail
    en 2023 le même bateau chez Brava vaut 11714 h sur la base de 4.61€/h soit grosso modo deux fois plus
    mais le smic a augmenté: 9.23€/h aujourd’hui
    donc le Muscadet coute en smic d’aujourd’hui 5850 h

    Grosse surprise pour moi: le Muscadet vaut peu ou prou le même nombre d’heures de travail ( +7.63% en fait) et le pouvoir d »achat du smic a doublé entre 70 et 23.

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