Le Vendée Globe a choisi ses héros

Sébastien est tombé sur une case « Vendée Globe compte double ». Epuisé, affamé, amaigri mais heureux, il boucle son tour du monde inhumain et fabuleux, selon ses propres expressions.

C’est ainsi. Le Vendée Globe, à chacune de ses éditions, n’est pas le même pour tous les concurrents. Déjà, avant même que le départ ne soit donné, tu sais qu’il y a plusieurs VG dans le VG. Il y a le VG des bateaux NG (nouvelle génération) confiés à des skippers-super-stars, épaulés par des sponsors d’envergure. Les NG sont équipés comme ton bateau ne le sera jamais. Toutes les options sont à bord, sauf la caméra de recul, interdite pour les prétendants à la victoire finale. Les foils sont là pour avancer plus vite, toujours plus vite.

 

Sans surprise, Armel et Alex nous ont offert un match-racing époustouflant et incertain jusqu’au bout. Avec Jérémie, tous trois réalisent un meilleur temps que François quatre ans plus tôt.

Mais à quel prix ?

Non, je ne parle pas d’argent. Je veux évoquer le bruit, les vibrations, les sifflements, l’inconfort qui rend dingue le plus aguerri des chevaliers du Vendée. Tous savent qu’ils vont passer un sale quart (voire un tiers) d’année dans le tambour de leur machine à laver. Mais ils le veulent, leur tour du monde. C’est leur dernier étage de la pyramide de Maslow.

C’est ainsi que tu trouves parmi les concurrents des très jeunes bizuths, comme Alan, Paul, Morgan, Thomas, Eric, Romain, Didac, Stéphane et celui qui termine aujourd’hui en remettant symboliquement les clefs du Vendée Globe au directeur de la course, après avoir soigneusement fermé toutes les portes derrière lui.

Tu trouves aussi, paradoxalement, des « vieux » de plus de soixante ans, Rich l’américain, Nandor le hongrois, Pieter le hollandais et Enda l’irlandais.

Qu’avaient-ils donc à prouver ? Rien, mais comme les petits jeunes, ils ont voulu leur Aventure et c’est leur mental qui les a poussé à dépasser leurs limites. En 2008 on avait les tontons flingueurs, pour cette édition on a eu les papys font de la résistance.

Les plus expérimentés terminent dans les dix premiers, mais on oubliera vite que Jean-Pierre, Yann et Jean ont bouclé la boucle en quatre-vingt jours, dans un intervalle de cinq heures de temps seulement. Mais je n’oublierai pas les fortunes de mer des uns et des autres, les malchanceux de l’édition 2016-2017. Sans distinction de classe, d’âge, de catégorie, le mauvais sort a choisi injustement de briser le rêve de quelques-uns. Bertrand, Vincent, Morgan, Tanguy, Kito et Stéphane en savent quelque chose. Ils ont payé pour mieux mettre en avant les autres, ceux qui ont su déjouer les pièges de l’Indien, éviter les OFNIs et les dépressions scélérates du grand sud.

Pour gagner, et même simplement pour terminer, il te faut incontestablement avoir aussi de la chance. Merci à ce Vendée-Globe d’avoir autorisé le rêve jusqu’au bout à plus de soixante pour cent des skippers.

Bravo à Armel pour sa superbe victoire, bravo à tous les marins pour leur courage et leur état d’esprit. Une mention spéciale à Conrad qui a franchi la ligne et remonté le chenal des Sables sous gréement de fortune et sous les vivats de la foule enthousiaste présente pour chaque arrivée, y-compris pour celui qui ramène les clefs.

N’est-ce pas là, s’il fallait encore le préciser, la plus belle preuve que le Vendée Globe n’est pas une épreuve -dans tous les sens du terme- comme les autres ?

Alain Tribord, Blog Marine Plaisance

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