A bord d’un bateau, il y a toujours un chef, un patron, un capitaine. Que vous naviguiez à la journée ou pour une croisière d’une semaine voire plus, le rôle du chef de bord est important. Dans la grande majorité des cas, il s’agit du ou de la propriétaire du bateau ou d’un des deux conjoints. Oui oui, il faut choisir… En location, ce sera souvent la personne qui a signé le contrat auprès du loueur.
Mais au-delà d’être une question d’ego et de savoir qui commande ou qui est le responsable de la caution, le rôle du chef de bord est loin d’être symbolique. Nous n’avons pas toujours conscience de son importance. Pourtant, même quand nous naviguons régulièrement, le patron, à bord du bateau, a une responsabilité réglementaire et morale, qui nous oblige. Alors voyons ce que dit la réglementation sur le rôle du chef de bord et quelles sont nos obligations morales.
La division 240 et la définition du chef de bord
Le rôle du chef de bord, en plaisance, est clairement identifié dans la division 240. L’article 240-01.2 stipule que le chef de bord est « un membre d’équipage responsable de la conduite du navire, de la tenue du journal de bord lorsqu’il est exigé, du respect des règlements et de la sécurité des personnes embarquées ». Clairement, il est responsable du bateau et de son équipage et pourra donc assumer ses responsabilités devant la justice civile. Ça calme, non ? Et pourtant c’est assez logique.
Concrètement, le rôle du chef de bord est de :
- S’assurer de la capacité de son bateau à effectuer la navigation envisagée.
- S’assurer de la présence, à bord du bateau, de l’équipement de sécurité obligatoire, et de sa bonne utilisation.
Si la division 240 encadre bien les responsabilités du chef de bord, le rôle de ce dernier est aussi moral. Nous ne faisons pas les choses uniquement pour respecter la loi. A bord d’un bateau, nous sommes responsables de nos familles ou de nos amis. Et ceci est valable pour des croisières hauturières comme pour une navigation à la journée, près de la plage en plein mois d’août.
Le responsable de la conformité du bateau et de son équipement
En tant que chef de bord, nous sommes responsable du bateau et de son équipement. Si quelque chose casse et n’est plus à jour, c’est de notre faute. Si le moteur ne démarre pas, c’est de notre faute, si une poulie casse, c’est de notre faute. Tout cela pour dire qu’il ne sert à rien de crier sur l’équipage si quelque chose ne va pas, puisque c’est de notre faute. Eh oui, sur un bateau, un chef de bord ne crie pas. Ou s’il crie, c’est juste pour se faire entendre;).
L’équipement du bateau
En tant que chef de bord, nous devons donc nous assurer que tout l’équipement du bateau est en bon état et, surtout, prêt à être utilisé. Cela passe, notamment par la présence de pièces de rechange pour le moteur, par exemple, mais aussi par quelques pièces d’accastillage. Nous devons aussi avoir une caisse à outils complète et opérationnelle (avec des outils ni rouillés, ni grippés).
Le rangement et l’emplacement des divers équipements sont aussi importants, à mon avis. Nous devons envisager toutes les situations. L’équipement de sécurité doit être à portée de main. Oubliez, par exemple, les gilets de sauvetage rangés sous la couchette avant et inaccessibles. Ou alors, rangez-y uniquement ceux qui ne serviront pas. Il en est de même pour la caisse à outils. Elle doit être facilement accessible en cas d’urgence, même par un membre d’équipage occasionnel.
l’entretien et l’état du bateau
En tant que responsables du bateau, nous sommes aussi responsables de l’état de notre bateau, et ce n’est pas rien. Partir en mer, ce n’est pas prendre la route en camping-car. Si le moteur s’arrête en mer ou qu’une voile se déchire, c’est de votre responsabilité. Là encore, avant de crier sur votre mécano, posez-vous les bonnes questions.
Nous devons nous assurer que le bateau est paré pour la navigation. L’entretien du moteur du bateau doit être régulier et conforme aux consignes du motoriste. Il en est de même pour le gréement. Partir en mer avec un gréement de 20 ans n’est pas forcément dangereux, mais a t-il été vérifié ? Et que demande votre assureur plaisance ?
Alors, êtes-vous toujours prêt à prendre la mer avec votre voilier entretenu à moindre frais, ou moindres attention ?
Le responsable de la sécurité du bateau et de l’équipage
Si le chef de bord est responsable de l’état de son bateau, il est tout logiquement aussi responsable de la sécurité de celui-ci et encore plus de son équipage. Là encore, plus qu’une responsabilité juridique, c’est une responsabilité morale. Cette sécurité passe par plusieurs actions.
L’information auprès de l’équipage
La responsabilité du bateau et de son équipage passe par l’information et la communication. En effet, un équipage responsable est un équipage qui communique. Il est important que l’ensemble des membres de l’équipage d’un bateau sache, pour revenir au paragraphe précédent, ou tout est rangé par exemple.
Dans le même temps, l’équipage doit connaître les consignes de sécurité, l’emplacement de l’armement de sécurité et être capable de répondre à certaines questions comme :
- Ou se trouvent les fusées ?
- Ou se trouve l’armement de sécurité ?
- Que faire en cas d’urgence ?
Chacun doit connaître les règles de sécurité mais aussi quelques règles de navigation précises. Il est par exemple recommandé de donner quelques missions à chacun comme vérifier que les vannes soient fermées avant de prendre la mer, ou alors les hublots ou autres.
Enfin, la communication allant dans les deux sens, vous devez aussi être à l’écoute de l’équipage. Si quelqu’un ne se sent pas bien ou n’est pas rassuré, vous devez l’entendre.
Le respect des consignes
En tant que chef de bord, nous sommes aussi responsables du respect des consignes. Oublions le « Mais je t’avais dite de… », tu devais faire ceci… ». Oui je sais, ça peut défouler, mais cela ne sert à rien.
Nous sommes responsables de la bonne marche du bateau, donc nous sommes responsables de chaque décision et de chaque action. Comme un manager en entreprise, le chef de bord est responsable pour les membres d’équipage. Il nous appartient donc de faire confiance ou pas aux autres et de s’assurer que les consignes sont respectées.
Se protéger soi même
Et si notre priorité n’était pas nous-même ? En effet, généralement le chef de bord est souvent le « sachant », sur le bateau. Et c’est souvent lui qui a le plus d’expérience. Il est donc indispensable.
Je vais prendre mon exemple personnel. Je navigue le plus souvent avec ma femme et mes enfants. Si je navigue depuis mes 12 ans, ma femme a découvert la voile avec moi et mes enfants apprennent encore tout juste la plaisance.
Si un jour, je devais être dans l’incapacité de manœuvrer le bateau, elles seraient bien embêtées. Pour être très clair, si je devais tomber à l’eau, ma famille serait dans l’incapacité de revenir me chercher et sans doute dans l’incapacité de ramener le bateau à bon port. Alors vous me direz que je dois les former. C’est vrai. Mais dans la vrai vie, on ne le fait pas tous. Dans ce cas, il est indispensable que vous soyez en sécurité, tout le temps. Cela passe par le gilet et le harnais.
Et je vais même aller plus loin. S’il ne devait y avoir qu’un seul harnais, il doit être pour vous. Si un membre de l’équipage tombe à l’eau, vous seul serez en mesure d’aller le chercher.
Le responsable de la navigation et de la sortie en mer
Le chef de bord est l’unique responsable du programme de navigation et de sa bonne conduite. Cela passe par une préparation, une anticipation et une décision.
la préparation de la croisière
En tant que patron et capitaine du bateau, nous somme responsables de notre sortie en mer pour la journée ou la semaine. Là encore, ce rôle nous donne des responsabilités. La première étant de bien préparer notre croisière. Au delà du bateau et de l’armement, nous devons préparer notre route, nos escales. Cela passe par :
- La météo
- Les marées
- La connaissance de votre zone de navigation ( cartes marines,…)
- La préparation des escales, horaires d’écluses,…
Nous devons tout anticiper et être paré à toute éventualité. Plus notre croisière sera longue, plus cette préparation sera importante.
La prise de décision en navigation
Voilà un sujet qui est important : la prise de décision. Seul le chef de bord prend une décision sur la navigation. Et ce n’est pas toujours simple. La première décision à prendre est celle de prendre la mer, ou pas. Et elle n’est pas toujours facile à prendre. En effet, nous serons parfois sous la pression de l’équipage pour prendre la mer. Nous devons être capable d’annuler une sortie en mer quand la météo s’annonce défavorable, voire si vous n’êtes pas rassuré. Et ce alors même que nos amis ne demandent qu’à aller en mer, parfois inconscients des risques.
La prise de décision se fait aussi en mer. Nous devons faire preuve d’autorité pour maintenir un programme ou pas. Nous sommes parfois le ou la seule à être en mesure de maîtriser les éléments permettant la prise de décision. Alors, nous devrons assumer notre responsabilité, notre décision et ses conséquences. Je vous met un coup de pression là ; non ?
Le responsable de l’information et de la communication
Quand j’ai choisi ce titre, j’avais l’impression de créer une annonce d’emploi : « Responsable de l’information et de la Communication ». Mais non, je parle bien, là encore, de la responsabilité du chef de bord. En effet, sur un bateau, la communication est primordiale. Et c’est encore plus le cas quand l’équipage ne connaît pas le vocabulaire marin.
Se faire comprendre des autres
En tant que chef de bord, nous devons savoir nous faire comprendre, même auprès des novices. Nous devons donc être très claires sur ce que nous attendons des membres de l’équipage. Ce sera le cas pour les manœuvres comme au port. Nous devons donc expliquer, avant la sortie en mer, ce que signifient quelques expressions maritimes comme :
- Nous allons virer
- Larguez
- Le bout, les écoutes,…
- Tribord, bâbord
- …
Communiquer avec les secours
Il en va aussi de notre responsabilité que l’équipage puisse communiquer avec les secours. S’il nous arrivait quelque chose ou si nous étions obligés de garder la barre, nous devons nous assurer que l’équipage puisse communiquer à la VHF et se situer, même plus ou moins, sur une carte. Ma fille de 8 ans maîtrise la VHF tout en sachant que ce n’est pas un jeu et qu’elle n’a pas le droit de l’utiliser sans urgence. C’est comme à la maison, elle sait que le 18, c’est pour appeler les pompiers, et elle connaît son adresse. Et bien en mer, c’est pareil.
Tenir à jour le livre de bord
Enfin, pour terminer, à mon avis, mais vous pourrez compléter, la dernière responsabilité du chef de bord est de garantir la tenue du journal de bord, indispensable dès la croisière côtière. Je ne dis pas que c’est le chef de bord qui doit le remplir, mais il doit s’assurer que cela soit fait. Je trouve même plutôt intéressant de déléguer la mission de remplir le journal de bord à un ou une jeune ado. Cela permet de l’impliquer dans la navigation et donner quelques responsabilités.
Voilà, j’en ai terminé avec les responsabilités du chef de bord. Je l’avoue, au vu de l’article, cela peut sembler excessif pour des plaisanciers qui naviguent quelques semaines par an. Mais je trouve qu’il est aussi important de se responsabiliser. Et c’est la meilleure façon de soutenir la SNSM.
Super article! On prend bien conscience de l’importance du chef de bord,
Attention cependant, petite subtilité juridique, la loi ne stipule jamais, elle dispose
L’article 240-01.2 dispose que le chef de bord est « un membre d’équipage responsable de la conduite du navire, de la tenue du journal de bord lorsqu’il est exigé, du respect des règlements et de la sécurité des personnes embarquées ».
Merci pour cette précision Matthieu
Bonjour, article très instructif ! Merci, je reste toutefois avec une question sans réponses ? Si je suis avec un propriétaire d’un voilier, non détenteur d’un permis côtier, mais moi oui, en cas d’abordage, qui est responsable si la faute est commise de notre part ? Moi titulaire du permis, ou le propriétaire du bateau( sans permis ?).?merci pour votre retour
Bravo Ronan.
Vous avez , sans le savoir, réalisé un livre de chevet du chef de bord!
La division 240, est bien, mais franchement,rébarbative,.
Je navigue depuis des dizaines d’années, et j’ai bien apprécié votre article qui est juste , concret, et facile à mettre en œuvre pour tous les “pseudos “chefs de bord qui n’auront aucune difficulté à le comprendre
Bravo
Merci beaucoup pour ce retour Richard
En effet le chef de bord est responsable à bord et non point le propriétaire, par exemple. En cas de maniement de la balise de détresse EPIRB1, des appels de détresse sur VHF ASN, etc.
Comme toujours un très bon rappel, c’est aussi une question piège pour ceux qui passent le CRR – certificat restreint de Radio….. Cette piqure de rappel est donc primordiale !
Merci et continuez vos articles clairs, lisibles par tous
Régis
Celui étant considéré le plus sachant sera par défaut le responsable. Même si le propriétaire du bateau « moins sachant » est à bord.
tres bel article qui resume bien les responsabilités et le comportement a avoir vis avis des novices pour ne pas les degouter de naviguer