Les quilles de nos voiliers de plaisance ont beaucoup évoluées depuis les années 50. Il n’y a plus grand-chose à voir entre une quille longue d’un Nicholson 32 et la quille à bulbe d’un XP33 du chantier X Yachts. Mais alors pourquoi les quilles longues ont (presque) disparu pour faire place à ces quilles droites ?
La plaisance est passionnante de par son histoire et ses innovations. Et cette histoire passe par la forme de nos voiliers. Si, dans les années 50 et 60, nos voiliers de plaisance étaient fins, étroits et bas sur l’eau, les monocoques d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec les anciens. Mettez, par exemple, un First 22, des années 80 à côté d’un Virgin Mojito 6.50 d’aujourd’hui, vous verrez la différence. Le fardage et le maitre-bau, ou encore l’étrave, ont bien changé.
Mais cette différence se voit aussi sous l’eau. Les architectes ont beaucoup travaillé sur les œuvres vives. Si les carènes ont évolué, les quilles des voiliers modernes n’ont plus grand-chose à voir, elles non plus, avec les quilles des voiliers des années 50. La quille d’un Contessa 26 était longue et son tirant d’eau assez faible. Aujourd’hui, un Django 770, en version quillard, aura une quille fine, dite droite, et plus profonde. Mais alors les quilles longues étaient-elles si mauvaises ? Quels sont les avantages, ou inconvénients, de ces quilles droites ?
A quoi sert la quille d’un voilier ?
Avant de commencer, revenons au principe de base d’une quille. A quoi sert le lest de nos bateaux, et pourquoi ce profil est-il si important en navigation ?
Les quilles sont apparues très tôt, sur les bateaux à voile. Il semblerait que les bateaux de l’Égypte Ancienne en étaient déjà équipés. En fait, c’est assez logique que très tôt, les marins aient cherché à trouver une solution à deux problèmes :
- Éviter qu’un bateau ne chavire,
- puis, dans un second temps, faire en sorte qu’un bateau avance droit, et non en crabe.
Et il s’agit bien là des deux problématiques auxquelles la quille va répondre. En effet, un des objectifs d’une quille est de lester un voilier. La quille est une aile en fonte ou en plomb. Son poids va permettre au voilier de ne pas chavirer lorsque le vent pousse sur les voiles. En règle générale, plus ce lest est important, et bas, par rapport au poids du bateau, plus le voilier sera raide à la toile. C’est pour cela que, généralement, les dériveurs sont plus gîtard. Leur lest est plus haut ( souvent en fond de coque) et la dérive est plus légère qu’une quille.
Dans le même temps, cette quille va aussi permettre au bateau de faire un meilleur cap. En effet, cette quille agit comme un plan anti-dérive. Essayons de comprendre. Un bateau est soumis à deux forces :
- la force propulsive, qui s’oriente dans le sens de la marche du voilier,
- La force de dérive, qui est perpendiculaire à l’axe du voilier.
Si vous naviguez sur un dériveur, et que vous levez la dérive, vous verrez que votre voilier avance en crabe, si vous êtes au vent de travers. Le vent va pousser sur les voiles (force de dérive) et donc pousser sur le bateau qui va avancer tout en étant poussé sur le côté.
Par contre, si vous descendez la dérive, la force du vent sur la voile va créer une force contraire sur la dérive et le bateau va avancer droit devant lui.
Cette quille agit donc comme un plan anti-dérive et va permettre au bateau d’optimiser son cap, notamment au vent de travers et au près. Voyons maintenant les différents types de quilles et leurs évolutions.
La quille longue

Jusque dans les années 70, les voiliers étaient équipés de quilles longues. Ces quilles font intégralement partie de la coque et leur profil s’étend sur toute la coque. Des voiliers comme les Nicholson, les Contessa ou encore les fifty français comme les Évasion du chantier Bénéteau étaient tous équipés d’une quille longue.
Ces quilles longues avaient plusieurs avantages. Elles offraient un gain de stabilité et de performance tout en gardant un tirant d’eau réduit. Encore aujourd’hui, ces quilles longues gardent cet avantage sur les nouveaux quillards.
Dans le même temps, ces quilles sont solides. Ces bateaux peuvent échouer sans problème, et ils résistent mieux au talonnage.
Cependant, un voilier à quille longue a des inconvénients. Tout d’abord, ils sont moins manœuvrant au moteur. Sur certains modèles, il est même très compliqué de manoeuvrer en marche arrière. En navigation, là encore, les changements de cap peuvent être plus compliqués que sur un voilier moderne.
La quille droite
A partir des années 70, et surtout des années 80, des chantiers ont opté pour un type de quille différent. L’objectif était de gagner en facilité de manœuvre et d’optimiser la capacité des voiliers à faire du cap. Il s’agit des quilles droites.
Ces quilles sont dites droites, car elle ne couvre pas plus de 50 % de la longueur de coque du bateau. Cette évolution s’est faite en deux temps.
Tout d’abord, des chantiers ont décidé de modifier le profil de quille sans toucher à la construction du bateau. Concrètement, le profil de quille est totalement intégré à la coque. Les deux ne forment qu’une seule pièce. Lorsque le profil est stratifié avec la coque, on coule le lest dans la cavité. Ce mode de construction est clairement le top du top. La solidité de la structure est bien supérieure à ce que nous faisons aujourd’hui. Des chantiers comme Jeremy Rogers ou Rustler, en Angleterre, travaillent toujours de cette manière.
Mais voilà, cette technique demande beaucoup de main-d’œuvre. Pour faire face à la hausse des coûts, les chantiers européens ont décidé de modifier leurs techniques de construction. Ces quilles droites ont été, par la suite, rapportées. C’est à dire qu’elles étaient fabriquées indépendamment, puis rapportées à la coque. L’ensemble étant ensuite boulonné.
Dans la grande majorité des cas, les boulons sont en fond de cale. Certains chantiers ont proposé des quilles rapportées ou les boulons étaient accessibles directement dans la quille. Le tout étant stratifié pour être étanche. C’est le cas du feeling 286, par exemple.
Ces nouvelles quilles droites permettent au bateau d’être plus manœuvrable. En effet, le poids étant mieux centré, le bateau vire de bord plus rapidement et facilement, à la voile comme au moteur.
Cependant, les bateaux équipés d’une quille droite rapportée ont un inconvénient de taille. Ils sont plus fragiles. Ils sont, entre autre, plus sensible au talonnage. Lorsqu’elle touche le fond, la quille, de par sa structure et son installation, va enfoncer l’arrière de la coque, cassant les varangues et laissant de l’eau passer entre le stratifié et les boulons.

La quille à ailettes
La quille à ailettes est née dans les années 80. A l’origine, ce type de quille est né dans les bureaux d’études des écuries de course au large. Elle a été popularisée lors de la victoire des australiens, dans l’America’Cup, en 1983. Cependant, faute de résultats concluants sur la vitesse des voiliers de course, en dehors de ce cas précis, c’est sur les voiliers de croisière que ces quilles à ailettes se sont développées. Et encore, « popularisé » est un bien grand mot. Des chantiers comme Jeanneau et Bénéteau ont proposés différents modèles avec ce type de quille en option. Je pense à l’Océanis 320 ou au Sun Way 28, par exemple. Kirié a aussi proposé le Feeling 286, avec une quille à ailettes.
Le principal avantage de la quille à ailettes est de proposer un quillard avec un très faible tirant d‘eau. En effet, les ailettes permettent de répartir les poids vers le bas et de proposer un profil permettant de conserver une certaine raideur à la toile, même avec un faible tirant d’eau. Le tirant d’eau du Feeling 286, par exemple, ne dépasse pas un mètre.
La quille à bulbe

La quille à bulbe est une autre variante de la quille droite. Cette quille à bulbe équipe surtout des voiliers de courses, de régates, voire aussi certains courses-croisières. Comme son nom l’indique, cette quille droite est équipée d’un bulbe, à son extrémité. Ce bulbe permet d’abaisser au maximum le poids du lest, afin de gagner en raideur et en performances. Il existe différents types de bulbes qui se différencient par leur forme et leur position, à l’extrémité de la quille.
Certains bulbes, notamment sur les bateaux de courses, semblent pendre sous le bateau. D’autres bulbes sont intégrés à la quille.
bonjour
bravo pour votre travail mais vous ne parlez pas des biquilles sur un Mirage 26 par exemple
merci de m’apporter quelques précisions
Les quilles longues et leurs évolutions immédiates mettent relativement à l’abri l’hélice et le safran. Comme il est devenu quasiment impossible de naviguer sans heurter un OFNI, c’est plutôt rassurant. Les safrans suspendus utilisés aujourd’hui ne sont maintenus que par leur axe et des paliers auto-alignants compensant les flexions. Ces safrans rejetés à l’extrême arrière expliquent également pourquoi les bateaux modernes sont plus manoeuvrants que les anciens. Les fonds en Vé prononcé des anciens bateaux on également le mérite de retenir une éventuelle présence d’eau, de faciliter le travail de la pompe de cale et d’éviter l’envahissement des coffres latéraux au moindre coup de gite.
Ne parlons pas des orques qui viennent grignoter les dits safrans suspendus sans que personne ne se décide officiellement à « prendre un train de mesures ».