Devons-nous faire confiance aux professionnels du nautisme ?

Les professionnels du nautisme sont souvent au centre de sujets polémiques et de colère des plaisanciers, sur les pontons ou les forums. Alors, les chantiers navals, mécaniciens marine et autres accastilleurs sont-ils dignes de confiance ou avons-nous, en tant que plaisanciers, aussi quelques nouvelles habitudes à prendre ?

Combien de fois n’avons-nous pas déjà râlé contre le mécano qui s’était occupé de l’hivernage de notre moteur ? La courroie est mal montée, il n’a pas fait tout ce que nous lui avions demandé. Je me rappelle d’une expérience assez cocasse. J’avais acheté un voilier d’occasion et demandé au mécanicien de faire une remise en route du moteur. Quelques jours après, je pars en mer, pour ma première navigation, et le moteur s’arrête au bout de 15mn. Obligé de rentré au port, sous voiles, dans un chenal emprunté par des chalutiers… Le réservoir était tellement encrassé que le circuit de gasoil était bouché. Et bien évidemment, le mécanicien en a pris pour son grade. Je ne parle pas, non plus de ce chantier qui, en changeant l’étai, avait remonté une partie de l’enrouleur à l’envers.

Bref, des histoires comme celles-là, nous en avons tous. Mais qu’est-ce que cela dit des professionnels du nautisme ? Et peut-être de nous-même ?

Des professionnels du nautisme souvent critiqué

Commençons par l’accusation. Les professionnels sont généralement accusés de deux choses. Pour commencer, nombre de plaisanciers remettent en cause leurs compétences. Et c’est vrai qu’il faut reconnaître que les conflits ou contentieux avec les professionnels du nautisme sont nombreux. Il suffit d’écouter les conversations, sur les pontons, ou de reprendre nos expériences de plaisancier pour s’en rendre compte. Et cela concerne l’ensemble des corps de métier de la profession, mécanicien, accastilleurs, technicien en stratification, et chantiers navals. J’ai même rencontré, il y a quelques années, un expert qui n’avait pas vu qu’un bateau avait talonné.

Alors, oui le nautisme est une passion qui, parfois, fait venir des professionnels plus passionnés que, justement, professionnels. Et ces pros peuvent être à l’origine de travail mal fait. Il suffit d’aller faire un tour sur des forums bien connus pour voir défiler, toutes les semaines, des coups de gueule ou des conflits.

La deuxième accusation concerne leurs tarifs. Et là, il faut encore reconnaître que le portefeuille peut parfois avoir très mal. Une simple intervention pour faire un peu de stratification peut vite arriver à plus de 1000€. Et, dès que vous sortez de l’entretien classique du moteur diesel, les devis nous font vite réfléchir à la conservation du bateau et entraînent des débats tendus au sein de la famille. On a parfois l’impression que les pros nous prennent pour des plaisanciers nantis qu’ils vont pouvoir saigner.

ET nous avons alors raison d’être exigeant avec des professionnels à qui nous donnons, souvent, beaucoup d’argent.

Je ne cache pas que j’ai longtemps été dans la méfiance avec les professionnels, et que je peux encore l’être, parfois. Mais je dois aussi reconnaître que j’ai fait des efforts, après m’être remis en question. Et je vais donc, aussi, me faire avocat de la défense.

Et des plaisanciers qui doivent se remettre en question

Je vais parler, ici, pour moi. Je ne vais pas avoir la malhonnêteté de penser que tout le monde a, ou avait, les mêmes défauts que moi. Si certains d’entre-vous se retrouvent dans ces lignes, tant mieux. Je disais donc que je vais me faire avocat des pros, ou tout du moins de la majorité des pros.

Il faut bien reconnaître, qu’en tant que plaisancier, j’aime naviguer. Et je navigue assez souvent pour bien connaître un voilier, son fonctionnement et sa structure, sur le papier. Mais voilà, je ne cherche pas à aller plus loin. Ou en tout cas, ne cherchais pas à aller plus loin. Or, nous avons tendance, je trouve, à trop nous reposer sur les professionnels. Les considérant comme une garantie de navigations tranquilles. Pourtant, nous pouvons tous faire notre hivernage, à terre ou flot, nous même.

Quand je dépose ma voiture au garage pour faire une vidange, je ne demande pas au garagiste d’expertiser ma voiture. Il fait la vidange, éventuellement me fait quelques petites observations et c’est tout. La même chose lorsque je change mes pneus. Je ne demande pas à mettre le nez dans le moteur. Alors pourquoi quand je fais « l’entretien de mon moteur bateau », j’attends presque une expertise complète de mon moteur ? Parce que je n’aime pas cet engin et que, dans le même temps, je veux être tranquille sur l’eau.

Mais dans ce cas, c’est n’est pas une simple vidange et changement de filtre que je demande, c’est une étude plus poussée. Et je doute que le mécano m’en demande le même prix.

En tant que plaisancier, nous devons, c’est mon sentiment, être plus autonome. Même lorsque nous naviguons le long de nos côtes, nous devons aussi prendre nos responsabilités et être conscient que nous devons maîtriser plus que le simple réglage de nos voiles. Un montagnard partant en randonnée, en montagne, se doit d’être autonome et de maîtriser son équipement. C’est pareil pour nous.

La deuxième source de conflit est liée à notre manque d’anticipation. Combien de fois n’ai-je pas entendu :

«  En ce moment, nous sommes débordés, nous ne pourrons pas faire les travaux de suite ».

Et moi de répondre:

«  oui, mais j’ai pris un long week-end en mai »….

Comme si le chantier ne pouvait pas embaucher… Ben non, parce que si les chantiers roulaient sur l’or, cela se saurait. Et que, en toute logique, quand 80 % des clients veulent sortir leur bateau, sur 20 % de l’année, ça ne passe pas. Et pourtant, je le sais, que si le travail demandé est effectué en hiver, le chantier a tout le temps de bien faire le travail, et sereinement. Alors, là encore, j’ai changé mes habitudes et anticipe ce que je dois faire ou déléguer.

Enfin, je navigue sur un bateau qui a 30 ans, rien que cela. Une voiture de cet âge serait considérée comme une voiture de collection. Et je ne connais aucun passionné de vielles voitures qui ne met pas la main de le cambouis. A un moment, je ne vais pas demander à un professionnel de me proposer une garantie sur un bateau plus âgé que lui.

Voilà pourquoi, j’estime que si j’ai rencontré des soucis avec des professionnels du nautisme, j’ai aussi ma part de responsabilité. Et que cela n’enlève rien à la grande majorité de ces pros qui travaillent avec la passion de leur travail et de la satisfaction client. Car, j’en connais, en Bretagne Sud, et pourrais vous donner les noms.

Nous ne sommes ni experts, ni professionnels, mais devons au moins nous intéresser sérieusement à l’entretien de nos bateaux. C’est ce qui nous permettra, aussi, d’être plus exigeant avec les professionnels

3 réflexions au sujet de “Devons-nous faire confiance aux professionnels du nautisme ?”

  1. C’est lors du désarmement annuel du bateau (voilier ou bateau à moteur) qui se produit, dans la majorité des cas, entre fin Juillet et fin septembre que le point sur les dysfonctionnements, les travaux à effectuer et le matériel à changer ou à renouveler doivent être listés et programmés auprès des professionnels concernés. La fin d’année, au moment du salon de Paris, c’est déjà trop tard, les congés annuels des chantiers lui succèdent. Et février annonce le début des régates d’entrainements d’hiver, donc de nouveaux travaux pour les chantiers. En fait l’été et l’automne sont la bonne période pour faire démarrer les travaux d’amélioration ou d’entretien.

  2. Votre analyse et conclusion est très juste, mais j’ajouterais 2 autres aspects du problème : Le niveau de compétence des Pro. et le coté « rêveur » des clients.

    1er point : Les Pro.
    Contrairement à d’autres métiers manuels, les pro. du nautisme doivent (devraient) maitriser plusieurs domaines de compétence : Mécanique, électricité basse et haute tension, peinture, stratification, manutention, accastillage, soudure, notions d’architecture navale, règlementation CE, etc…
    Hors, les salaires des ouvriers de la plaisance sont le SMIC voir 1,2 à 1,5 x le SMIC en fin de carrière, en moyenne. Quel autre profession payée au SMIC demande autant de compétences diverses ?

    Les métiers manuels ont été dévalorisés, tout particulièrement par l’éducation nationale, depuis les années 60-70. « Ce gamin(e) est en échec scolaire ; On a qu’à l’envoyer au lycée technique voisin. Peut importe la ou les métiers qui y sont enseignés ». « Ce gamin est très perturbé par des problèmes familiaux graves ; Allez hop, en apprentissage. La 1ere entreprise qui l’accepte sera la bonne ».
    On se retrouve donc avec des jeunes diplômés (CAP, BEP, Bac Pro) qui n’ont pas de passion pour leur métier, qui ne maitrisent que très approximativement leur sujet voir pas du tout et qui, de plus, n’ont aucune motivation pour progresser et s’investir. Progresser et s’investir pour un SMIC ?
    Pour avoir eu des élèves de lycée Technique en stage dans mon ex-entreprise à de nombreuses reprises j’ai constaté qu’à 99% ils sont bien plus doués et motivés par l’art de se dissimuler dans l’entreprise avec leur GSM, qu’à apprendre. Es-ce leur faute ?
    Quant aux « patron », qu’il travaille seul ou avec des salariés il y a tous les profils…

    2ème point : Les clients.
    Les plaisanciers veulent toujours ou presque un bateau plus grand. Or qui dit plus grand dit plus cher à l’entretien, entres autres. Bon nombre d’acquéreur de bateaux ne voient que le prix d’achat qui correspond à leur budget du jour et occultent totalement les coûts annexes ; Et quand il faut faire intervenir un Pro. c’est trop cher !
    On fait donc jouer la concurrence en demandant pléthore de devis, on sollicite un soi disant Pro qui bosse « au black » pour bien moins cher et qui disparaitra dans la nature au moindre soucis. Le résultat est que les Pro, compétents qui travaillent honnêtement et avec passion ne peuvent pas être concurrentiels et changent de métier.
    C’est du vécu : jusqu’à 500 000 € de chiffre d’affaire, 3 à 4 salariés, et je bossais 6,5 jrs/7, 12h/jour pour….. 1 300 € net en moyenne sur 10 ans (3,20 €/ h. !!!) Les 2 premières années de création je ne me payais pas…. Résultat au bout de 10 ans : Un « petit » AVC !
    Entreprise fermée, autre vie ailleurs et autre métier mais toujours dans le nautisme. Passion quand tu nous tiens…
    maintenant je dis « faut faire comme ça », « faut pas faire ça », « Travaux non réalisés dans les règles de l’art », je critique et je l’écrit, sans me salir les mains, sans me casser le dos, sans bosser l’hiver avec les doigts engourdis par le froid, sans avoir les démangeaisons de la fibre de verre, sans passer des heures non facturés sur un écrou récalcitrant en y laissant un bout de doigt, sans avoir à gérer la colère d’un client qui a fait le plein de GO alors que son moteur est un moteur essence et qu’il doit absolument aller naviguer aujourd’hui, car c’est le début du WE : « Au prix où j’ai payé la grosse révision d’il y a 2 ans, là vous me facturez 2 h de main d’œuvre pour seulement vidanger mon réservoir, purger le circuit à carburant, changer les filtres ?? Vous abusez ; Je pensais vous le ramener dans 2 ou 3 ans pour une prochaine révision ; Ben, j’irais ailleurs ! »

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