La Route du Rhum a fêté ses 40 ans en 2018. Une transatlantique mythique qui a fait les légendes de la course à la voile
En 1978, Michel Etévenon créait une course transatlantique en solitaire légendaire. Cette course partira de Saint-Malo, destination Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. C’est la naissance de la Route du Rhum.
Le 4 novembre 2018, sur un tracé inchangé, de nombreux skippers s’élanceront pour le 40ème anniversaire de La Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Cette onzième édition s’annonce comme celle de la maturité. Dans le même temps, cette édition souhaite préserver les valeurs qui ont fait sa légende. Elle réunira un plateau sportif exceptionnel, réparti entre six classes de bateaux. Tous les bateaux prendront le départ le même jour, à la même heure.
L’histoire de la Route du Rhum
C’est en 1976 que tout a débuté. A l’origine de cette transatlantique en solitaire, une volonté forte et une rencontre. Cette volonté est celle du syndicat des rhumiers de Guadeloupe. En effet, ce dernier cherche un événement qui pourrait mettre en avant ses îles et son savoir-faire. Dans le même temps, en Métropole, un homme, Michel Etévenon, publicitaire et « inventeur » du sport-spectacle, souhaite créer une course à la voile.
La rencontre, c’est bien entendu celles d’aspirations communes et avant tout celles de ces hommes de part et d’autre de l’Atlantique. Ainsi naît la Route du Rhum. Conçue par Etévenon, elle s’inscrit d’entrée dans une philosophie on ne peut plus simple et s’affiche comme la transat de la Liberté. Monocoques et multicoques y sont admis sans spécification de classement ni restriction de taille avec pour but d’offrir la possibilité de s’exprimer, sans contrainte, sur un grand océan d’exploits.
Professionnels et amateurs s’y engagent sur une même ligne de départ au large de Saint-Malo, en bénéficiant de toutes les aides extérieures à la navigation. En Guadeloupe, à Pointe-à-Pitre, toute la population attend les héros de la première édition de cette course dont elle ne sait pas encore qu’elle la portera chevillée au cœur et au corps pendant les 40 années à venir… et plus encore.
La route du Rhum et ses marins
Tous les quatre ans, la Reine des transatlantiques en solitaire est source de passions. Sa légende vient de cette course
qui connaît, à chaque édition, des premiers jours difficiles, des tempêtes, des casses et de grands vainqueurs. Mais la légende vient aussi de ses skippers qui ont marqué son histoire comme Mike Birch qui gagna la première édition, Alain Colas qui disparait en mer,le avec le trimaran Manureva. Cette année 1978 restera une année emblématique par ces deux évenements. Dans le même temps, les skippers au départ marqueront la course au large: Florence Arthaud, Philippe Poupon, Olivier de Kersauson, Bruno Peyron, Yves Le Cornec, Daniel Gilard, Marc Pajot ou Pierre Fehlmann.
Seul de grands marins ont gagné cette course comme Marc Pajot, Philippe Poupon, Florence Arthaud, Laurent Bourgnon, Elen MacArthur…
Avec 91 concurrents en lice, plus de 2 millions de visiteurs et une victoire époustouflante de Loïck Peyron (qui détient le record de la course avec le Maxi Solo Banque Populaire VII, en 7 jours 15 heures 8 minutes et 32 secondes à la vitesse moyenne de 22,93 nœuds). Toutes catégories confondues, la 10ème édition avait, en 2014, marqué les esprits.
Six catégories pour écrire l’Histoire
Le dimanche 4 novembre 2018, ils seront 120 solitaires à s’élancer au large de la pointe du Grouin. 120 solitaires pour célébrer les 40 ans de l’épreuve. Fidèle à ses valeurs d’ouverture, la Route du Rhum-Destination Guadeloupe
accueillera tous les voiliers à partir de 39 pieds. Petite nouveauté pour cette édition anniversaire, les concurrents se répartiront en six classes, contre cinq en 2014. La catégorie Ultime et ses têtes d’affiches sera présente à Saint-Malo, tout comme les Imoca et leurs skippers tourdumondistes, la Multi 50 désormais dotée de foils ou encore les Class40 offrant ce savoureux mélange de coureurs professionnels et d’amateurs.
Ces quatre catégories répondent à des règles strictes ou défiant toutes les dimensions. Cependant, il faudra désormais en rajouter deux sans lesquelles l’épreuve ne serait pas ce qu’elle est. Ils étaient pour certains de la première édition, en 1978. Ce sera le cas des sisterships du petit trimaran jaune de Mike Birch, premier vainqueur. Autant dire qu’ils sont une part de l’Histoire de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Ils portent en eux l’essence même de cette « transat de la Liberté » voulue par Michel Etévenon. Les bateaux de la catégorie Rhum se diviseront désormais en deux familles, les multicoques d’un côté, qui ne peuvent plus se frotter aux Multi50 et à leurs nouveaux appendices, et les monocoques de l’autre, offrant aux amoureux de la course, à ceux qui s’y préparent comme on s’apprête pour un rendez-vous galant, des retrouvailles attendues tous les quatre ans.
Record de participation en 2018
La Route du Rhum aaccueilli 123 bateaux, sur la ligne de départ, en 2018. Un véritable succès pour ses 40 ans. Les organisateurs de la Route du Rhum avaient fixé le nombre de participants, à cette transaltlantique mythique, à 100. Mais l’édition 2018 a attiré un nombre croissant de candidats. Une situation inédite qui a poussé OC Sport Pen Duick, l’organisateur, à « ouvrir les rangs » des Class40 et des Rhum Multi, entre autres. Ces deux classes accueilleront dix bateaux supplémentaires. 50 class40 et 20 Rhum Multi seront donc au départ.
Un succès de plus en plus important
La Route du Rhum est considérée comme la reine des transatlantiques en solitaire. Et en cette édition 2018, qui permettra de fêter ses 40 ans, La Route du Rhum – Destination Guadeloupe est victime de son succès. En effet, à deux mois de la clôture des inscriptions, fixée au 31 mars, les skippers jouent déjà des coudes pour décrocher leur place. Un plébiscite qui voit certaines des 6 catégories ouvertes jouer à guichet fermé de longue date.
Succès des class40 et Rhum Multi
Si la problématique ne se posait pas chez les Ultimes, Imoca, Multi50 ou en Rhum Mono, pour les Class40 et les Rhum Multi la demande dépassait largement l’offre. Un cas de figure qui a conduit OC Sport Pen Duick, organisateur de l’épreuve, la direction de course, mais également les équipes de Saint-Malo et de la Guadeloupe à prendre une décision exceptionnelle. Ainsi, après une étude menée sur la capacité logistique à accueillir des bateaux supplémentaires au départ et à l’arrivée, et la garantie de pouvoir assurer le suivi d’une flotte plus importante, les deux catégories les plus « chargées » voient-elles leurs rangs grossir.
Avec 10 places supplémentaires chacune, les Class40 et les Rhum Multi, passent donc respectivement à 50 et 20 concurrents. Une bonne nouvelle pour des marins qui n’auraient manqué pour rien au monde ce rendez-vous décidément très attendu.
Class40, la plus grosse flotte
A l’exception de la Mini-Transat, aucune course océanique en solitaire ne peut annoncer autant de bateaux de même taille que cette onzième édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe ! Cinquante-trois prétendants sur une même ligne de départ parmi lesquels se nichent pas moins de trois anciens vainqueurs de La Solitaire du Figaro (Kito de Pavant, Nicolas Troussel, Yoann Richomme) sans compter tous ceux qui y ont déjà participé (Sam Goodchild, Nicolas Jossier, Claire Pruvot, Halvard Mabire) ou ceux qui ont effectué la Transat Jacques Vabre ou The Transat (Maxime Sorel, Antoine Carpentier, Louis Duc, Arthur Le Vaillant, Aymeric Chapellier, Bertrand Delesne, Loïc Fequet, Arthur Hubert, Hiroshi Kitada, Robin Marais, Miranda Merron, Olivier Roussey, Phil Sharp).
Les bateaux sont devenus de plus en plus exigeants malgré une surface de voilure limitée à 115 m2 maximum au près, un déplacement minimum de 4 500 kg et un tirant d’eau de 3 mètres. Les architectes ne s’y sont pas trompés puisqu’ils seront dix-sept représentés à Saint-Malo avec des conceptions de plus en plus puissantes : les carènes sont de plus en plus tendues, les étraves de plus en plus rondes, les cockpits de plus en plus protégés, les aménagements de plus en plus sobres… Certaines unités sont désormais plus véloces que des monocoques IMOCA des années 2000.
Des Multi50 de plus en plus puissants
La classe Multi50 réunit des trimarans de 15 m de long pour 15 m de large, soumis à une jauge restrictive mais laissant quelques libertés architecturales propices à attirer différents designers. Dans sa volonté de se structurer et d’épouser les dernières évolutions technologiques, la classe s’est séparée de sa partie « vintage » et a autorisé en 2017 l’ajout de foils. Cinq des six multicoques en lice (tous sauf celui de Gilles Lamiré) sont donc équipés de plans porteurs. Trois d’entre eux ont ajouté des kits monotypes à des plateformes anciennes, tandis que les deux trimarans les plus récents, Ciela Village et Solidaires en Peloton Arsep, ont été totalement conçus autour de cette nouvelle donne « volante ».
Si la météo est favorable, les Multi50 pourraient donc déflorer la ligne d’arrivée à Pointe à Pitre dans le sillage des Ultime, après 8 à 10 jours de course. Soit un gain d’une journée au moins par rapport au temps de référence (11 jours 5 heures et 13 minutes).
Les Imoca, une course dans la course.
Avec 20 skippers au départ dont dix s’alignent sur des foilers*, cette édition de la Route du Rhum-Destination
Guadeloupe en IMOCA s’annonce disputée, indécise et passionnante. En l’espace de quatre ans, la classe IMOCA a opéré sa mue. Toujours plus complexes, spectaculaires et exigeants, ces monocoques de 60 pieds sont devenus des engins « afoilants »… Mais derrière les avions de chasse, les bateaux d’ancienne génération n’ont rien de vieux coucous. Les plus performants de ce match des « vintage » peuvent même espérer briguer les places d’honneur à Pointe-à-Pitre.
Les projecteurs seront tournés vers un triple vainqueur de la Solitaire du Figaro, Jérémie Beyou qui s’aligne sur Charal. Très démonstratif avec ses immenses foils au profil anguleux, le dernier plan VPLP mis à l’eau cet été, dessine la nouvelle génération des IMOCA. Autre inconnue : on ne sait rien des évolutions engagées sur Hugo Boss que le britannique Alex Thomson a brillamment conduit à la deuxième place sur le dernier Vendée Globe et gardé au chaud depuis …
Ultim, les nouveaux geants
« Aujourd’hui, personne n’a jamais traversé l’Atlantique en espérant voler en solo sur un multicoque. Clairement, on va faire quelque chose que personne ne maîtrise. On va se lancer dans le vide. Et c’est merveilleux ». En quelques phrases, Sébastien Josse parvient à donner le frisson. Celui qui parcourt peut-être l’échine de ces pilotes quand leur bateau de 15 tonnes s’élève hors de l’eau et commence à accélérer.
Pour la première fois, donc, cinq trimarans de 100 pieds armés d’appendices élévateurs (foils, plans porteurs sur les trois safrans et sur la dérive) vont s’affronter sur l’Atlantique. Des multicoques de 32 mètres de long pour 23 de large, capables, pour les plus aériens, de voler dès 13/14 nœuds de vent, d’avancer deux fois plus vite que ce dernier et de dépasser les 45 nœuds en vitesse de pointe.
On leur prédit une traversée en six jours. Peut-être moins, si la météo est très favorable ! Que ce soit à bord des anciens maxi reconfigurés (Sodebo Ultim’, Idec Sport, MACIF) ou des deux trimarans génération 2017 conçus pour voler (Maxi Edmond de Rothschild, Maxi Solo Banque Populaire IV), les marins ont dû réapprendre à naviguer, à régler tous les paramètres qui conditionnent le vol et à se connecter à de nouvelles sensations. « On vit une période de rupture technologique confie, » Thomas Coville. « C’est magique. C’est un univers que tout le monde découvre. »
Rhum Multi et Rhum Mono, pour tous les budgets
Pour la première fois depuis la création de la Route du Rhum, tous les monocoques qui ne s’intègrent pas dans la série des IMOCA ou des Class40 sont regroupés dans une même classe : les Rhum Mono rassemblent dix-sept solitaires à Saint-Malo qui vont revenir sur les traces de Kriter V, le cigare noir de Michel Malinovski qui se fit doubler quasiment sur la ligne d’arrivée lors de la première édition en 1978…
Mais la Route du Rhum, c’est avant tout cette image incroyable d’un petit trimaran jaune qui déborde un immense monocoque noir dans les derniers mètres avant l’arrivée en Guadeloupe : 98 secondes d’écart après 23 jours 6 heures 59 minutes et 35 secondes ! La première édition de cette nouvelle transatlantique en solitaire marque les esprits au point que quarante ans plus tard, Charlie Capelle (Acapella-Soreal) et François Corre (Friends & Lovers) reviennent en découdre sur des sisterships du trimaran de Mike Birch face à Bob Escoffier (Kriter V-Socomore-Quéguiner) qui défend les couleurs de Michel Malinovski à bord de son monocoque ! 98 secondes pour l’éternité…